Mlle Peggy,Infirmière

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94, France
Mes patients m'appellent souvent Mlle Peggy ,c'est une façon pour eux d'établir une proximité sans pour autant être trop familiers,une sorte de formule "intermédiaire" entre le tutoiement et le vouvoiement,qui leur convient et que je trouve charmante.Vous l'aurez donc compris ,mon quotidien est de soigner les corps et les âmes,"les petites histoires de Mlle Peggy" sont des brèves de vies,qui vous feront rire,parfois pleurer,souvent réfléchir,enfin qui vous laisseront rarement indifférents,je pense. Ah j'ai oublié de vous dire mais vous avez du le deviner:je suis infirmière,et je pratique mon art à domicile,en petite banlieue parisienne.Je tiens à préciser que par souçi du respect du secret médical auquel je suis soumise,les lieux,les identités des patients et leurs familles,les pathologies sont modifiés,et les faits sont romancés. Toute ressemblance avec des personnes ayant réellement existé est purement fortuite. Bonne lecture!!!

mercredi 2 mai 2018

1er mai



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Aujourd'hui c’est le 1 er mai, fête du repos . 

Les rues que je traverse tôt ce matin  sont désertes, les commerces fermés et une sorte de léthargie s’est installée sur la ville . 
Les rares voitures que je croise  affichent sur leurs pare-brises des caducées divers  et variés qui indiquent tous que les conducteurs sont exemptés de la fête du travail car ils sont soignants .

Progressivement la ville se réveille , les stands de brins de muguet poussent comme des champignons un peu partout, et s’installent à proximité des boulangeries et des marchés qui n’observent pas ce jour de repos national . 
Au fur et à mesure que le jour avance ,les quartiers s’animent , les pères accompagnés de leurs enfants s’affairent à trouver le brin de muguet réputé porter chance une année durant pendant que les mères s’accordent un moment à la maison. 

Aujourd’hui c’est le 1er mai jour de  travail. 



Je vais passer de maisons en appartements et rendre visite à chacun de ceux qui ont fait appel à moi à un moment très particulier de leur existence : celui de la maladie, de la blessure , d’une fracture. 

Aujourd’hui c’est le 1 er mai , et ce jour férié n’a pas la même saveur pour tous . 

Chacun des patients que je rencontre aimerait vivre cette journée autrement, sans la nécessité de recevoir des soins indispensables au maintien de leur santé . 

Pourtant  ma visite les apaisent , leur apporte ce soupçon de joie et de liberté qui règne la tout près d’eux, juste là

Je suis chez eux ,je panse, j’écoute et j’observe. 

Je les écoute me raconter leurs vies passées, « l’avant » qui les a rendus si heureux, les temps devenus anciens si rapidement, leurs vies tout simplement. 

Je passe de vies en vies , et je vis la journée au travers des images furtives des personnes inconnues que je sur le chemin qui relie chacun des domiciles dans lesquels je vais entrer . 

J’observe et j’écoute ce qui se passe dehors . 

Les rires des enfants , les conversations entre voisins , les rencontres chez la boulangère , les saluts appuyés et les Bonjours fuyants , les cris des marchands du marché et un peu partout les petites clochettes blanches qui ornent les trottoirs vendues par des marchands amateurs . 

J’observe et j’écoute la vie à l’intérieur des ces foyers , souvent plongés dans le silence qui contraste tant avec l’animation de la vie, là, tout près dehors, prête à s’engouffrer dans ces foyers profitant d’une fenêtre ouverte. 

Et puis , je sors mes clefs , j’ouvre la porte d’une maison , tout est silencieux . 
Je rentre chez cette dame âgée qui vit seule depuis tellement longtemps. 
Le soleil éclaire chaque pièce de la maison , un bouquet  de fleurs fraîches trône  sur la table de la salle à manger , l’atmosphère est douce et une odeur de tarte aux pommes tiède embaume les escaliers.
Je traverse chaque pièce une à une , je prends le temps de regarder les photos qui racontent une vie , presque un siècle , je ne peux m’empêcher de toucher certains cadres car le bonheur qui s’en dégage est presque palpable . 
Des sourires , des baptêmes , des mariages , des photos de famille , la mer , un jardin et quelques brins de muguet . 

La porte de la chambre est entrouverte, je me glisse dans l’ouverture doucement, et je trouve Mme Muguet endormie sur son lit , baignée dans un rayon de soleil tamisé par les rideaux en voile brodés . 

Elle semble apaisée, un léger sourire sur les lèvres.

Je n’ose pas la réveiller , je la regarde dormir , j’écoute son souffle régulier et j’imagine ces 90 années de vie que je connais un peu quand soudain elle ouvre les yeux et me dit : 

«  Peggy ma chérie , je me suis endormie après avoir fait ma tarte aux pommes ! Vous en prendrez bien un morceau avec moi ? 
En plus je vous avais dit de rester en famille aujourd’hui ! 
Vous savez le 1 er mai chez nous était sacré autrefois , Maman préparait toujours un pique nique la veille et nous partions tôt le matin, mais venez descendons je vais vous raconter tout cela ! »

Quelque part en France, le 1er mai 2018 .