Mlle Peggy,Infirmière

Ma photo
94, France
Mes patients m'appellent souvent Mlle Peggy ,c'est une façon pour eux d'établir une proximité sans pour autant être trop familiers,une sorte de formule "intermédiaire" entre le tutoiement et le vouvoiement,qui leur convient et que je trouve charmante.Vous l'aurez donc compris ,mon quotidien est de soigner les corps et les âmes,"les petites histoires de Mlle Peggy" sont des brèves de vies,qui vous feront rire,parfois pleurer,souvent réfléchir,enfin qui vous laisseront rarement indifférents,je pense. Ah j'ai oublié de vous dire mais vous avez du le deviner:je suis infirmière,et je pratique mon art à domicile,en petite banlieue parisienne.Je tiens à préciser que par souçi du respect du secret médical auquel je suis soumise,les lieux,les identités des patients et leurs familles,les pathologies sont modifiés,et les faits sont romancés. Toute ressemblance avec des personnes ayant réellement existé est purement fortuite. Bonne lecture!!!

mardi 13 mai 2014

Bienvenue chez les fous!!!!




Février 2010

Cela fait déjà trois mois que j’ai accepté de prendre en charge un couple peu ordinaire puisqu'il s’agit de la mère et de la fille.

Evidemment, lorsque la famille m’a contacté à la fin de l’année dernière, elle a volontairement omis de préciser quelques détails concernant ces deux patientes.

Je vais donc vous expliquer la situation.

Un matin la fille aînée de Me Amsterdam me téléphone et me demande s’il est possible que je prenne en charge sa mère et sa sœur vivant ensemble pour gérer la bonne observance de leurs traitements respectifs, et réaliser des pansements.

Cette dame est plutôt volubile et me présente sa famille.

Me Amsterdam est Hollandaise et vit en France depuis 1950.Elle a épousé un Français en 1955  et  le couple a eu trois enfants. Elle est âgée de 85 ans et vit dans un petit appartement avec sa plus jeune fille, Ernestine.

La famille a vécu confortablement au gré des mutations de Mr Amsterdam, un diplomate très occupé par ses fonctions professionnelles.
Les enfants ont grandi, les deux ainés ont quitté la maison familiale depuis bien longtemps, Ernestine est restée près de ses parents car elle ne « pouvait » pas s’éloigner d’eux.
Je n’en saurais pas plus pour le moment, je fixe donc un premier rendez-vous quelques jours plus tard.

La fille aînée me précise qu’elle vit en province et qu’elle ne sera pas là pour me rencontrer en revanche, elle m’assure qu’elle prévient sa mère et sa sœur qui seront là sans faute, « c’est promis ! »

J’arrive donc comme convenu le samedi matin devant une maison bourgeoise de la fin du 19ème siècle qui semble abandonnée. Les herbes sauvages ont envahis le jardin, les murs sont fissurés par endroits, les volets sont dépareillés, la grille du jardin est difficile à ouvrir et émet un grincement strident qui ferait fuir n’importe quelle personne mal intentionnée !!!
Une petite cloche est fixée sur le mur de l’entrée au-dessus de la boite aux lettres qui déborde de courriers….

Je rentre dans le jardin et un pressentiment particulier me pousse à ralentir le pas.

Me voilà devant la porte, je frappe timidement.

Pas de réponse.

Je tape un peu plus fort et là j’entends une voix de femme hurler :

« Tirez-vous j’vous dis, les flics sont là, tirez-vous !!! »

Je me fige sur place et je déglutis avec difficulté.

Je décide  de rentrer, advienne que pourra….

Je pousse la porte entrouverte et là je découvre un intérieur sombre et poussiéreux, je suis surtout saisie par une forte odeur de renfermé.
J’avance doucement, et j’aperçois une double porte devant moi qui dessert certainement un salon.

Je frappe.

« Qui est là ? »

La voix n’est pas la même que tout à l’heure, c’est une voix de dame âgée.

« C’est l’infirmière ! »

« L’infirmière ?veuillez entrer madame »

Je tourne la poignée de la porte et j’entre dans une grande pièce beaucoup trop meublée et très enfumée.

Je me mets à tousser, l’atmosphère est irrespirable, mes yeux se mettent à larmoyer, je commence à sentir une irritation au niveau de ma gorge ….
Je décide d’ouvrir une fenêtre donc j’avance vers le cote droit de la pièce, et je déverrouille une baie vitrée, je respire l’air frais qui s’engouffre dans la pièce avec soulagement.

Je me retourne et là, j’aperçois devant moi deux femmes assises dans des fauteuils type Napoléon qui me scrutent du regard.

Elles semblent grandes et fortes, les yeux très clairs, la plus jeune ressemble à s’y méprendre à Simone Signoret.

Elle me fixe sans ciller.

Je m’éclaircis la voix et je me présente :

« Bonjour, je m’appelle Peggy, je suis l’infirmière et nous avons rendez-vous ce matin pour faire connaissance ! »

Silence.

Même en étant à côté de la fenêtre ouverte, la fumée de cigarettes est vraiment insupportable, j’essaye d’inspirer discrètement un peu d’air frais.
Des dizaines de paquets de cigarettes vides jonchent le sol, Ernestine  ne semble pas les voir, deux grands bols remplis de mégots froids se trouvent sur une table basse devant elle.
Ses doigts sont jaunis par la nicotine, elle tient une cigarette qui se consume lentement dans sa main droite, la cendre ne va pas tarder à tomber sur elle.
Ses cheveux gris sont très longs et retombent en bataille sur ses épaules.
Elle porte une vieille chemise de nuit sale et déchirée.

Ernestine me regarde toujours fixement.

« Maria va aller en taule ! »

« Maria ? »

« Ouais, Maria. Vous travaillez avec elle ? »

« Non. Qui est Maria ? »

« C’est celle qui vient le matin, elle a piqué les clefs de la baraque, j’ai porté plainte. »

« Ah, vous êtes allé au commissariat ? »

 « Non je les ai appelé »

« Mais on ne peut pas porter plainte par téléphone… »

Ernestine éclate de rire en secouant la tête de gauche à droite.

Sa mère sourit. Qu’est-ce que c’est que cette maison de dingues… ?

« Ils sont là. »

« Là ? Ou donc ? »

« Mais là devant vous, vous les voyez bien bordel ! »

A ce moment précis elle me désigne deux chaises posées devant elle…..vides !

Et bien voila, bienvenue chez les fous!!!!










2 commentaires: