Voilà maintenant deux jours que je n'ai aucune nouvelles de Mr Cheet,
j’ai même commencé à me faire à l'idée que je ne le reverrais plus mais là, je
me suis emballée trop vite puisqu'il m'a appelle ce matin.
-"Allo Doc, c’est
Cheet, on peut se voir ce soir vers 18h00 comme d'hab?"
-"pardon mais je vous
entends mal....."
-"............"
Il a raccroché, je vais
devoir y retourner.
18h00:l'endroit n'a pas changé,
toujours autant de monde, l’affaire de Mr Cheet est un commerce qui tourne....
Je le retrouve dans l'appartement,
toujours aussi sale, avec plusieurs comparses. Ils jouent au poker et sont déjà
bien emechés.Le pansement que je lui ai fait la dernière fois est dans un
état déplorable, je ne sais pas ce qu'il a fait pour le mettre dans un
état pareil, et je préfère ne pas le savoir.
Les bandes sont sales et
déchirées par endroits et mouillées, je préfère pour le moment, ne pas imaginer
l'état de la plaie.
Je commence les soins et
je préfère ne pas lui demander ce qu'il a fait durant ces deux jours derniers,
mais je décide quand même de lui toucher deux mots quant à la conduite à tenir
avec une plaie aussi importante que la sienne et je lui explique clairement que
j'arrêterai de le prendre en charge s'il ne fait pas preuve de plus de
serieux.Le risque sceptique est important et je ne peux pas le soigner s'il ne
respecte pas les conditions d'hygiène élémentaires. Prise dans mon envolée lyrique,
je ne remarque pas que le silence s'est fait autour de nous et quand je relève
la tête, je constate que tous les lascars présents dans la pièce me dévisagent
comme si j'avais perdu la raison.....
Je me tais.
Je commence lentement à
ranger mon matériel.
Mon patient baisse le
regard et caresse de sa main gauche les bandes neuves du pansement
fraichement refait.
De longues secondes de
silence passent, il relève la tête et me fixe du regard.
Je me lève.
-"c'est du bon taf,
j’ai abusé vous avez raison, j’vous kiffe donc je vais faire attention. Demain même
heure?"
-"ok demain même heure,
bonne soirée."
Les gars s’écartent, je sors,
désormais j'aurais moins peur.
Plusieurs semaines se sont
écoulées, Mr Cheet a vu un médecin, et a suivi les traitements et les consignes
médicales. Il e s'est efforcé également à respecter les rendez-vous. Malgré un
stress constant pour moi j'ai réussi à établir un dialogue et à avoir des
échanges avec mon patient qui ont même parfois donné lieu à quelques fous
rires.
Il est vrai que j'ai une
réputation de bavarde et je suis en générale assez volubile pendant les soins
ce qui ne déplait pas aux malades, souvent seuls la plupart du temps.
Aujourd'hui je raconte à
Mr Cheet et sa bande l'histoire d'un patient qui s'est suicidé après avoir accidentellement,
blessé grièvement sont fils.
A ma grande surprise, deux
clans se forment instantanement:les partisans du père qui comprennent le geste
lié à la culpabilité, il n'a pas blessé son fils volontairement ce sont les
circonstances qui ont induit le drame et ils considèrent qu'il ne méritait pas
de mourir. Les autres pensent le contraire....
Chacun défend son point de
vue en haussant de plus en plus le ton, un attroupement se crée sur le palier,
tout le monde veut connaitre le fin mot de l'histoire quand soudain j'entends
un gars qui hurle
-" MAIS POURQUOI TU
LE DEFENDS ? C’EST UN POTE A TOI L'DARON? MOI J'TE DIS DARON OU PAS DARON, TU
M'NIQUE ? J’TE NIQUE!!!"
Euh il va falloir que je désamorce
le conflit car notre simple discussion est en train de prendre une
tournure inattendue.
-"Voilà, c’est terminé,
vous n'avez plus besoin de soins"
-"quoi c'est terminé?
Ça veut dire quoi????"
-"ça veut dire c'est fini,
plus de pansement, on laisse à l'air libre, et vous restez tranquille!!!"
Silence.
Il observe sa main,
l’approche, la recule pour mieux la voir et finit par me dire:
-"vous savez quoi
docteur?"
-"non?"
-"Vous avez trop
assuré!!!!"
super on s'y croirait! Ils ont l'air presque sympathiques...
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