Mlle Peggy,Infirmière

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94, France
Mes patients m'appellent souvent Mlle Peggy ,c'est une façon pour eux d'établir une proximité sans pour autant être trop familiers,une sorte de formule "intermédiaire" entre le tutoiement et le vouvoiement,qui leur convient et que je trouve charmante.Vous l'aurez donc compris ,mon quotidien est de soigner les corps et les âmes,"les petites histoires de Mlle Peggy" sont des brèves de vies,qui vous feront rire,parfois pleurer,souvent réfléchir,enfin qui vous laisseront rarement indifférents,je pense. Ah j'ai oublié de vous dire mais vous avez du le deviner:je suis infirmière,et je pratique mon art à domicile,en petite banlieue parisienne.Je tiens à préciser que par souçi du respect du secret médical auquel je suis soumise,les lieux,les identités des patients et leurs familles,les pathologies sont modifiés,et les faits sont romancés. Toute ressemblance avec des personnes ayant réellement existé est purement fortuite. Bonne lecture!!!

mardi 29 avril 2014

Mr Pasdechance

Cela fait déjà plus d’un an que je me rends chaque matin chez Monsieur Pasdechance, pour traiter son diabète .C’est un patient agé, insulino-dépendant, vivant seul sans famille connue.
Comme beaucoup de personnes âgées et malades, il est très ritualisé et rien ne saurait perturber ses habitudes bien ancrées du lever au coucher.
Mr Pasdechance est assez exigeant en ce qui concerne les horaires de mes passages et il ne tolère aucun retard, nous avons donc parfois des scènes dignes d’un vieux couple, mais d’une manière générale notre entente est plutôt cordiale.
Il faut dire que je suis la seule personne à venir le voir, sept jours sur sept ,365 jours par an, il attend donc ma visite avec impatience et les quelques minutes que nous passons ensemble matin et soir sont pour lui précieuses car elles représentent pour lui sa seule fenêtre sur l’extérieur.
Ce jour là, le temps est particulièrement doux, la tournée est légère, je pense même pouvoir faire une petite pause déjeuner en terrasse…..bref je rêve !!!
J’arrive chez mon patient grisée par cette atmosphère printanière, sans vraiment penser à lui et je sonne.
Pas de réponse.
J’insiste.
Rien.
Ma bonne humeur matinale cède vite la place à l’inquiétude.
Ce n’est pas le genre de Mr Pasdechance  de ne pas répondre quasi instantanément à l’interphone….
Il est diabétique insulino-dépendant donc il faut absolument que j’arrive rapidement à rentrer en contact avec lui.
Je décide de le joindre par téléphone, une sonnerie, deux, trois, quatre :
-« Bonjour, vous êtes bien sur le répondeur de Mr Pasdechance, indisponible pour le moment, laissez-moi un message, je vous rappellerais dès mon retour ! »
La pression commence à monter sérieusement, je suis sure maintenant qu’il lui est arrivé quelque chose de grave.
Une femme d’une cinquantaine d’années s’apprête à sortir de l’immeuble et déverrouille la porte, je m’avance pour entrer mais elle me barre le passage en me demandant sur un ton soupçonneux :
-« Je vous prie de m’excuser mais ou allez-vous ? »
-« Je vais chez un de mes patients »
-«  et pourquoi ne sonnez-vous pas chez lui, il vous ouvrira !!! »
-« j’ai sonné, il ne répond pas, je dois m’assurer qu’il n’a pas fait un malaise donc laissez-moi passer ! »
-« vous avez une carte ? »
-« une carte de quoi ???? » elle commence sérieusement à m’agacer Julie Lescot…..
-« une carte d’infirmière!!! »
Je prends une inspiration lente et profonde et j’expire tout aussi lentement, et en tentant de conserver mon calme je lui réponds que je n’ai pas de carte et que je vais non seulement entrer dans cet immeuble mais aussi appeler la police et les pompiers, je lui conseille donc de coopérer.
Elle me laisse pénétrer dans le hall avec mauvaise grâce, mais décide de rester avec moi « on ne sait jamais ».Je monte quatre à quatre les escaliers jusqu’au troisième étage et je compose le 18 en même temps, très vite j’obtiens le standard et je leur explique la situation. Ils me confirment leur venue, en attendant je décide de voir si les voisins sont au courant de quelque chose. Julie Lescot arrive essoufflée quelques minutes plus tard et me dit :
-« vous n’avez pas appelé les pompiers ??? »
-« si pourquoi ? »
-« ils vont casser la porte, ça va faire bon genre dans le quartier pardi !!! »
Je lui réponds que ça fera toujours meilleur genre qu’un mort mais ça n’a pas l’air de la perturber plus que ça !
Je tambourine à la porte de mon patient, rien ne bouge, chez les voisins non plus d’ailleurs, l’immeuble semble vide, inhabité…..
Quelques minutes se passent et j’entends enfin la sirène  du véhicule des pompiers qui arrivent à grands renforts, ce qui désespère Julie Lescot qui ne pense qu’à la réputation de l’immeuble!
Ils sont là, explications rapides, ils tapent très fort à la porte de Mr Pasdechance en lui hurlant d’ouvrir, pas de réponse.
Puis ils se dirigent chez les voisins chez qui ils frappent violement et là, à ma grande surprise la porte s’entrouvre ….
-« Bonjour Madame, nous avons besoin d’accéder à votre appartement »
-« Ah mais c’est-à-dire que mon mari a une bronchite et….. »
Les pompiers n’attendent pas la fin de la réponse et investissent l’appartement.
Ils voudraient tenter de voir si une fenêtre de mon patient n’est pas ouverte ce qui éviterait de casser la porte et soulagerait fortement Julie Lescot !!!
Bingo, une des fenêtres est entrouverte, ils vont donc passer en rappel par l'exterieur.
L’attente est longue, la progression de l’homme n’est pas facile et dangereuse .Ces frères d’armes lui indiquent la marche à suivre  calmement mais fermement,depuis l’appartement des voisins.
L’ambiance est très tendue.
Durant ces courts instants qui paraissent etre une éternité,je pense à ce que nous allons trouver derrière la porte mais aussi au pompier se met en danger pour réussir  à entrer dans cet appartement…
Soudain on l’entend derrière la porte, il l’ouvre.
Je rentre, le couloir de l’entrée est long et dessert plusieurs pièces. 
Nous retenons notre souffle à chaque porte poussée et ouverte.
La salle de bains, personne….
Le salon, personne…..
La cuisine, la porte est fermée, je la pousse doucement, personne……
La chambre est toujours la pièce que je redoute le plus et que j’inspecte en dernier…..
La chambre, le corps de Mr Pasdechance est couché face contre sol.
Il est chaud,il ne respire plus,pas de pouls palpable:arrêt cardio-respiratoire.
Les pompiers commencent les manœuvres de réanimation, elles dureront une demie heure, l’heure du décès sera prononcée à 9h30.
Si seulement nous avions pu entrer dans cet appartement une demi-heure plus tôt.

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