Cela fait déjà plus d’un an que je me rends chaque matin
chez Monsieur Pasdechance, pour traiter son diabète .C’est un patient agé,
insulino-dépendant, vivant seul sans famille connue.
Comme beaucoup de personnes âgées et malades, il est très
ritualisé et rien ne saurait perturber ses habitudes bien ancrées du lever au
coucher.
Mr Pasdechance est assez exigeant en ce qui concerne les
horaires de mes passages et il ne tolère aucun retard, nous avons donc parfois
des scènes dignes d’un vieux couple, mais d’une manière générale notre entente
est plutôt cordiale.
Il faut dire que je suis la seule personne à venir le
voir, sept jours sur sept ,365 jours par an, il attend donc ma visite avec
impatience et les quelques minutes que nous passons ensemble matin et soir sont
pour lui précieuses car elles représentent pour lui sa seule fenêtre sur l’extérieur.
Ce jour là, le temps est particulièrement doux, la tournée est
légère, je pense même pouvoir faire une petite pause déjeuner en terrasse…..bref
je rêve !!!
J’arrive chez mon patient grisée par cette atmosphère printanière,
sans vraiment penser à lui et je sonne.
Pas de réponse.
J’insiste.
Rien.
Ma bonne humeur matinale cède vite la place à l’inquiétude.
Ce n’est pas le genre de Mr Pasdechance de ne pas répondre quasi instantanément à l’interphone….
Il est diabétique insulino-dépendant donc il faut
absolument que j’arrive rapidement à rentrer en contact avec lui.
Je décide de le joindre par téléphone, une sonnerie, deux,
trois, quatre :
-« Bonjour, vous êtes bien sur le répondeur de Mr
Pasdechance, indisponible pour le moment, laissez-moi un message, je vous
rappellerais dès mon retour ! »
La pression commence à monter sérieusement, je suis sure
maintenant qu’il lui est arrivé quelque chose de grave.
Une femme d’une cinquantaine d’années s’apprête à sortir de
l’immeuble et déverrouille la porte, je m’avance pour entrer mais elle me barre
le passage en me demandant sur un ton soupçonneux :
-« Je vous prie de m’excuser mais ou allez-vous ? »
-« Je vais chez un de mes patients »
-« et pourquoi ne sonnez-vous pas chez lui, il vous
ouvrira !!! »
-« j’ai sonné, il ne répond pas, je dois m’assurer
qu’il n’a pas fait un malaise donc laissez-moi passer ! »
-« vous avez une carte ? »
-« une carte de quoi ???? » elle commence
sérieusement à m’agacer Julie Lescot…..
-« une carte d’infirmière!!! »
Je prends une inspiration lente et profonde et j’expire
tout aussi lentement, et en tentant de conserver mon calme je lui réponds que
je n’ai pas de carte et que je vais non seulement entrer dans cet immeuble mais
aussi appeler la police et les pompiers, je lui conseille donc de coopérer.
Elle me laisse pénétrer dans le hall avec mauvaise grâce, mais décide de rester avec moi « on ne sait jamais ».Je monte quatre à
quatre les escaliers jusqu’au troisième étage et je compose le 18 en même temps,
très vite j’obtiens le standard et je leur explique la situation. Ils me confirment
leur venue, en attendant je décide de voir si les voisins sont au courant de
quelque chose. Julie Lescot arrive essoufflée quelques minutes plus tard et me
dit :
-« vous n’avez pas appelé les pompiers ??? »
-« si pourquoi ? »
-« ils vont casser la porte, ça va faire bon genre
dans le quartier pardi !!! »
Je lui réponds que ça fera toujours meilleur genre qu’un
mort mais ça n’a pas l’air de la perturber plus que ça !
Je tambourine à la porte de mon patient, rien ne bouge,
chez les voisins non plus d’ailleurs, l’immeuble semble vide, inhabité…..
Quelques minutes se passent et j’entends enfin la sirène du véhicule des pompiers qui arrivent à grands
renforts, ce qui désespère Julie Lescot qui ne pense qu’à la réputation de l’immeuble!
Ils sont là, explications rapides, ils tapent très fort à
la porte de Mr Pasdechance en lui hurlant d’ouvrir, pas de réponse.
Puis ils se dirigent chez les voisins chez qui ils
frappent violement et là, à ma grande surprise la porte s’entrouvre ….
-« Bonjour Madame, nous avons besoin d’accéder à
votre appartement »
-« Ah mais c’est-à-dire que mon mari a une bronchite
et….. »
Les pompiers n’attendent pas la fin de la réponse et
investissent l’appartement.
Ils voudraient tenter de voir si une fenêtre de mon
patient n’est pas ouverte ce qui éviterait de casser la porte et soulagerait
fortement Julie Lescot !!!
Bingo, une des fenêtres est entrouverte, ils vont donc
passer en rappel par l'exterieur.
L’attente est longue, la progression de l’homme n’est pas
facile et dangereuse .Ces frères d’armes lui indiquent la marche à suivre calmement mais fermement,depuis l’appartement des voisins.
L’ambiance est très tendue.
Durant ces courts instants qui paraissent etre une éternité,je pense à ce que nous allons trouver derrière la porte mais aussi au pompier se met en danger
pour réussir à entrer dans cet appartement…
Soudain on l’entend derrière la porte, il l’ouvre.
Je rentre, le couloir de l’entrée est long et dessert
plusieurs pièces.
Nous retenons notre souffle à chaque porte poussée et ouverte.
La salle de bains, personne….
Le salon, personne…..
La cuisine, la porte est fermée, je la pousse doucement,
personne……
La chambre est toujours la pièce que je redoute le plus
et que j’inspecte en dernier…..
La chambre, le corps de Mr Pasdechance est couché face
contre sol.
Il est chaud,il ne respire plus,pas de pouls palpable:arrêt cardio-respiratoire.
Les pompiers commencent les manœuvres de réanimation,
elles dureront une demie heure, l’heure du décès sera prononcée à 9h30.
Si seulement nous avions pu entrer dans cet appartement
une demi-heure plus tôt.
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et bien!Pffiouuu
RépondreSupprimerles gens "biencommeilfaut "ont encore frappé fort!